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Photo du rédacteurheleneschweitzer

Un peu de douceur dans ce monde de brutes.

Dernière mise à jour : 17 nov. 2020



J’ai la chance exceptionnelle de faire le métier qui m’a choisi lorsque j’avais 9 ans : artiste. Comme toute longue histoire d’amour qui se respecte, ce métier je l’ai admiré, adulé, adoré, détesté, exécré, je l’ai même quitté deux fois, puis rechoisi à chaque fois. Il m’a fait traverser des états émotionnels et physiques complexes et fous, m’a obligée à me réinventer en permanence et m’a permis de voyager loin, au propre et au figuré. La route est parfois tumultueuse, c’est plus un beau désert aride peuplé d’oasis qu’une jolie route de campagne… et Dieu sait que j’aime aussi les routes de campagne ! Ce métier m’a portée aux nues, détruite plusieurs fois, découragée comme jamais, et m’a fait me sentir vivante tout le temps. Il m’a aussi permis de m’accrocher dans les pires moments de ma vie. C’est un drôle de choix de carrière que de choisir la vulnérabilité, on n’est jamais vraiment prêt. Mais derrière cette apparente fragilité il y a le cadeau. On comprend que les refus ne sont « que » des refus. On comprend qu’on est beaucoup plus solide que ce que l’on pensait. On comprend qu’un pas en arrière, c’est surtout un pas en avant dans une direction qu’on n'avait pas prévue. C’est précieux pour rebondir.

Le coaching est arrivé suite à une grosse remise en question, à un gros « pas en arrière » justement. Puis ce pas en arrière s’est transformé en retour aux sources. On vient tous de quelque part. Certains artistes ont des parents artistes, d’autres non. Dans ma famille… disons qu’on nous enseignait plus les rapports humains, l’éthique et la philosophie en tout genre que Shakespeare et Racine, et c’est très bien comme ça ! Mes études de coaching ont fait office de remise à plat, répondant à mes questions existentielles : « Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? » ou encore : " Être ou ne pas être, telle est la question. Y-a-t-il pour l'âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d'une injurieuse fortune ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et y mettre fin ? »

Alors j’ai décidé de m'armer contre la mer de douleurs pour y mettre fin… à mon humble et petite échelle ! Et j’ai décidé aussi d’arrêter d’endurer les coups, ou plus précisément « mes » coups. En commençant par changer mes propres pensées et la manière dont je me parlais à moi-même, dont je me traitais moi-même. Je me souviens de ma première prof d’art dramatique à Paris. « La pire ennemie d’Hélène, c’est Hélène », avait-elle dit. J’ai appris très tôt à ne pas dire du mal des autres, j’ai appris assez tard à ne pas me dire du mal de moi. C’est comme ça, apparemment, l’humain a la critique facile, il fallait bien que ça sorte quelque part !

Je me suis dit des choses de moi-même que je n’aurais jamais osé penser d’une personne qui m’aurait fait du mal. Et il me semble que nous en sommes tous là. Quotidiennement, j’observe des personnes délicieuses se dénigrer elles-mêmes. Ça prend du temps de se dire que c’est OK si on a raturé. Tant qu’on n’est pas à court de papier, on peut toujours recommencer. Ça prend du temps de comprendre que nous ne sommes pas grand-chose et que si l’on échoue, la vie continue, alors autant y aller. A vrai dire, ce n’est jamais acquis. C’est l’apprentissage d’une vie, je crois, et ça demandera une mise à jour permanente. Se féliciter et se dire des jolies choses au lieu de se dénigrer est un choix volontaire. Surtout au début, lorsque l’on n'y croit pas encore vraiment. C’est un vrai travail de résilience qui change notre regard sur le monde et sur les gens. On est plus doux avec les autres lorsque l’on apprend la clémence envers soi-même.

Cette dernière année, j’ai eu le privilège d’être professeur dans une école professionnelle d’art dramatique. Ce n’était pas ce que j’avais prévu, ni même attendu à vrai dire. On m’aurait demandé trois ans plus tôt si ça me plairait d’enseigner, j’aurais répondu : « Oui, certainement, mais pas avant 10 ou 20 ans ! J’ai trop de boulot pour le moment. ». Je ne me voyais pas là-dedans. J’avais mes projets, mes diplômes, mes envies et je venais tout juste de trouver un équilibre entre toutes mes différentes casquettes professionnelles. Mais l’occasion s’est imposée. Et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas du genre à dire non aux belles opportunités. Elles n’arrivent pas tous les quatre matins, aussi ai-je tendance à saisir les cadeaux de la vie. Tous les jours ou presque, j’ai accompagné des apprentis comédiens de tous âges, tous horizons, toutes origines, avec des backgrounds variés et riches. C’est d’ailleurs cette variété qui m’a tout de suite plu dans cette école. Dans le milieu théâtral, c’est assez rare pour être souligné. Je me suis alors retrouvée face à une multitude de rêveurs acharnés, tentant le tout pour le tout, se mettant à nu quotidiennement, la trouille au ventre et la rage au trippes.

Moi qui étais coach depuis plusieurs années, j’ai retrouvé en eux cette folie douce, cette fragilité et cet entrain communicatif des personnes que j’accompagne. Des personnes qui tentent, qui essayent vraiment, qui se donnent les moyens malgré tout. Malgré eux, malgré les autres, malgré leur peur de rater, leur peur de réussir, leur peur du changement et leur peur de stagner. Souvent, ils enragent de ne pas être à la hauteur de leurs propres espérances et souvent ils se dénigrent. Je les vois penser et dire des choses affreuses d’eux-mêmes. C’est très frustrant. Et je le vois tous les jours chez mes élèves : ceux qui ont déjà entamé ce travail de douceur envers eux-mêmes avancent à une rapidité déconcertante. La route est longue… un peu d’indulgence que diable !

Il n’est pas si difficile de rêver, mais il est tellement aisé de s’auto-saborder. Choisir la vulnérabilité extrême de rendre son rêve concret, y aller en sachant qu’on ne sait pas, qu'on n'est pas prêt et qu'on va forcément échouer avant de réussir est un acte de pure bravoure. C’est un acte de foi. J'appelle ceux qui l'osent les rêveurs de l’impossible, les super héros du quotidien.

Il y a peu de choses qui rendent plus humble que d’accompagner des personnes qui sont terrorisées à l’idée de rater, de les voir échouer, pleurer parfois, puis recommencer jusqu’à y arriver. Je ne sais pas s’il y a spectacle plus héroïque à regarder. Et croyez-moi, j’en vois des spectacles de qualité !


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